A l’adolescence, j’ai pris mes premières leçons de conduite sur les routes de Fontainebleau, tantôt à bord d’une grenouille verte -une TR3 “Bomb Hole”-, tantôt dans un Morgan-Darmont. Heureuse époque!
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Même si aujourd’hui il y’a prescription,
j’étais mal parti !
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Rattrapé par la sagesse, j’ai ensuite roulé avec de nombreuses familiales -nécessité fait loi- et des Land Rover (série IIa, Lightweight, Wolf – Defender, Freelander I et II). Comme j’avais un mauvais fond, j’ai réussi à introduire mon mètre quatre vingt huit dans des pièges de la famille: Alpine A110 1600 S, R8 G, Lotus Europa Twin Cam, et plus exotique une GS montée avec 2 MEP, bonjour la synchronisation…
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L’âge venant, j’ai décidé de vérifier l’adage selon lequel les hommes restent de grands enfants, la seul chose qui change étant le prix des jouets.
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Le cahier des charges était de trouver quelque chose qui permettrait de rouler à 2 en campagne et en montagne, tractable sur un plateau sans mobiliser un échelon du train des équipages, découvrable et surtout… amusant ! Caterham, pourquoi pas, mais le Darmont de ma jeunesse m’est alors revenu en mémoire. Toutefois, les prix pratiqués m’ont incité à porter le regard ailleurs.
J’ai eu ainsi l’occasion de croiser le chemin bon nombre de jouets intéressants, jusqu’à ma rencontre avec un JZR, engin est aussi fantaisiste dans sa construction que dans ses capacités routières. Suivra un Morgan Threewheeler, qui ne m’a guère convaincu par son côté tape à l’oeil et sa conception hasardeuse : montage moteur/boîte peu mécanique, suspension avant mal calculée, courroie de distribution évanescente, opinion renforcée par un tarif indexé sur le tir au pigeon version qatari.
De fil en aiguille, je suis tombé sur une annonce pour un Buckland B3. Pas n’importe lequel, le n° 001, le prototype de cette petite série.
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Les « Specials »
de Dick Buckland
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Ingénieur électronicien gallois, Dick Buckland construit à partir des années 1950 de nombreuses “Specials” sur base Austin 7 ou Ford 1172. Il restaure ou prépare quelques 80 motos, side-cars et autos. Il court sur plusieurs 3-roues Morgan, dont un F2 fortement modifié. A partir de 1975, il prépare les premiers dessins de « son » 3-roues idéal, le B3, dont il commence la fabrication en 1980.
La ligne est originale, se démarquant des copies plus ou moins abouties des Morgan ThreeWheelers. Sa culture automobile des années 30 apparaît : avant inspiré par la Delage GP-1500 de 1927, pointe arrière Bordino, ailes Delahaye 1935, ligne tendue et, coup de génie, un tonneau cover en dur, comme sur les Jaguar D victorieuses au Mans.
Il modifie son projet jusqu’en 85 et, à la demande, en construit 11 répliques qui seront régulièrement améliorées. 2 seront en France, 2 en Allemagne et les 8 autres sont toujours en Grande Bretagne.
Dick court avec. Entre 1986 et 2001, il écumera la plupart des courses de côte britanniques. En 1998, il gagne le Great Britain National Hill-Climbing Championship. Le B3 001 en porte encore quelques traces sur sa carrosserie. J’ai eu le plaisir de voir l’engin à l’oeuvre à cette époque.
Un détail intéressant, le 001 est immatriculé en France depuis quelques années. Dick l’avait vendu à Jean, un amateur résidant dans le Gers. Jean désirait s’en défaire et le proposât dans une vente aux enchères à laquelle il ne trouvât pas preneur. Je l’ai contacté quelques temps après et par chance, la bestiole était toujours disponible. Bien qu’étant à l’autre bout de la France, j’étais enthousiaste et concluais l’affaire à grand renfort de photos, mails et conversations téléphoniques, sans avoir vu la voiture!
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J’attelle un plateau,
et va pour 1100 km !
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Un petit essai sur les routes sinueuses du piémont pyrénéen, après un démarrage à la poussette. Première impression : ça pousse fort. Il faut dire, l’auto était restée en configuration “côte” avec un 1300 Kent PreXflow bien travaillé qui s’exprime gaillardement… Je charge donc l’engin sur la remorque, accompagné d’un moteur de rechange, d’une boîte de vitesse et de nombreuses pièces qui remplissent l’arrière du Freelander.
Le trois roues briton abandonne magrets, foie gras, Armagnac, Pacherenc et Madiran, pour se retrouver dans le pays du Potjevleesch, de la carbonnade et des bières d’abbaye !
Sur la route du retour, le capital sympathie de l’engin est incroyable: Appels de phares, coups d ‘avertisseurs… et contrôle de gendarmerie: tour de la bête, 10 minutes de papotages, considérations sur la remorque, et roule jeunesse !
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Les arrêts se ponctuent de curieux avec les photos qui vont bien,
ce qui se confirmera par la suite.
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Arrivé en Flandre, il recevra une révision en bonne et due forme : changement des pneus avant, cuits comme une peau de crocodile, vidange, purge des freins, rinçage du circuit de refroidissement et quelques travaux mécaniques de bon aloi. Un peu de restauration cosmétique sera également nécessaire, mais rien ne presse. Les premiers roulages sont sympathiques. Heureusement que nous sommes en début de printemps et qu’il fait frais car le thermomètre monte déjà avec allégresse… Le ventilateur ne déclenche pas. Comment le pourrait-il? Il n’est pas branché et il n’y a pas de sonde ! Après correction de cette bonne blague, les choses reviennent à la normale. L’été se passe sans problème, à la grande joie des petits et des grands.
Quelques bonnes ballades en Bretagne et au Pays Basque nous laissent de bons souvenirs, avec une auto vive et joueuse mais plus confortable qu’il n’y paraît. La suspension arrière monobras est souple, rien à voir avec d’autres tapecul. Le train avant ne renie pas son géniteur, Colin Chapman : rigoureux et précis, il tient l’araignée parfaitement à plat. Il faut vraiment la chatouiller pour commencer les drôleries: C’est la roue intérieure qui commence alors à se lever, mais tout ceci reste hautement improbable en circulation normale. Seul bémol, un freinage un peu spécial, caractérisé par une grande course pour arriver à point ferme… très efficace !
Le choix de laisser la couronne “côte” s’avère judicieux pour une conduite européenne : le compteur en miles affiche alors les kilomètres/heure. Une heureux hasard. Comme dans cette configuration la vitesse maxi est de 140 km/h, il n’y a guère de plainte pour une conduite respectueuse du code. Un roulage sur piste avec la couronne ad’hoc m’a mené vers 200 chrono… ce qui demande une certaine abnégation ou un esprit de pilote de chasse ! Cela a valu à l’engin d’être baptisé “Oomygoolies”, du nom du célèbre volatile écossais, l’Oomygoolies Bird.
Alors, bien naturellement, tôt ou tard vient la question : Combien ça coûte ? Je ne vais rien vous cacher, nous sommes entre nous… ça coûte… plus que ma femme ne le pense !
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Structure: Châssis poutre en acier Zintec, coque en polyester
Motorisation: 4 cylindres Ford Kent pre-crossflow, 1297 cc préparation stage II, 95cv, arbre à cames FBCF3, carburateur Weber DCD de Cortina 1500 GT
Transmission: Boîte Escort MKI 1968, 4 vitesses + MA, arbre Metalastik Hardy-Spicer, boîte de transfert Reliant, transmission finale par chaîne permettant d’avoir le meilleur rapport pour chaque circuit grâce aux couronnes interchangeables.
Suspension: Avant: Roues indépendantes à ressorts et amortisseurs inboard sur une épure de Colin Chapman. Arrière: Monobras, freins tambours à double circuit hydraulique.
Dimensions: Longueur : 3,30 m, Largeur : 1,73 m, Hauteur : 0,86 m, Empattement : 2,60 m, Garde au sol : 0,10 m,
Poids à vide : 450 kg.
Vitesse de pointe: 210 Km/h (configuration avec couronne piste, sans ailes ni phares)
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La licence de fabrication a été cédée à Penguin Speed Shop, pour les courageux qui veulent tâter du kit car: http://www.penguinspeedshop.
Bernard est venu à Noeux-les Mines (62) en 2017 et a suscité l’engouement des visiteurs qui lui ont décerné le prix de la voiture la plus emblématique de l’exposition REVER 2017 (REtrouver la Voiture de votre Enfance ou de vos Rêves).
Merci à lui et à son Buckland, en espérant le revoir en 2019.
Jean-Paul
Bonjour Jean-Paul, j’y serai !