Tout le monde aime les Shitbox*. Et pour toute une génération ce virus a commencé avec les petites citadines du groupe PSA. Durant un long moment, les 106/AX étaient partout. La clé du succès? Des autos simples, légères, mues par des mécaniques vives et robustes.
Les deux marques s’étaient partagé le marché d’une manière subtile et pas du tout clivante: les vieux et les pauvres avaient la Citroën Ax, les jeunes et les femmes récupéraient la Peugeot 106… Et ça a marché: l’AX reste la deuxième meilleure vente de toute l’histoire de Citroën, juste derrière la 2CV.
Les apprentis conducteurs s’exerçaient donc sur l’Ax 1.5D Rouge de l’auto-école. Ils utilisaient ensuite le peu d’argent gagné au rayon bagagerie de Décathlon pour rembourser la 106 Atoll familiale envoyée dans un fossé.
Avec un peu de chance, ils parvenaient à coller leur (A) sur une 106 Kid équipée de ces foutus sièges en jean mais de rien d’autre. Rapidement, elle allait alors rejoindre les Ax Spot sur le parking de la fac, pour commencer une nouvelle vie de cendrier, bar ou chambre, parfois les 3 simultanément.
Enfin, les plus aisés se payaient une XSI à la sortie de la fac. La Shitbox Royale. Bien qu’elle ne fut en poster dans aucune chambre, elle constituait un graal abordable. Apportant ce petit plus de performance et de confort que les étudiants rêvent d’avoir lorsqu’ils galèrent entre un job du soir mal payé dans une pizzeria et des amphis bondés.
Smells like teen spirit…
On ne change pas une recette qui gagne. C’est le crédo du lion après le lancement de la miraculeuse 205 en 1982. Mais 9 ans plus tard, le plat a perdu de sa saveur. Face aux Corsa B et autres Twingo, les Sochaliens vont donc présenter une version modernisée de la 205. Plus économique et beaucoup, beaucoup plus sobre…
Dans cette nouvelle gamme économique, Peugeot réserve le sommet à deux versions sportives. La Rallye pour séduire les derniers Varois fumeurs de Bastos et la XSI pour les Parisiens éleveurs de caniches.
En 1991, cette démarche peut surprendre: les temps ont changé. La silhouette en X appartient au passé, Boy George est ringard, Highlander 2 est un navet et rouler vite en fumant des clopes n’a plus d’intérêt.
Peugeot ne peut tirer un trait sur la GTI qui lui a valu tant de reconnaissance. La sulfureuse appellation disparait donc, mais la petite nouvelle hérite quand même du jogging de la 205: extensions d’ailes, spoilers, ailerons et jantes alu.
Nette, ramassée, compacte, la XSI est une auto plaisante. De façon complètement injustifiée, ses volumes évoquent cette maquette Bburago. La 405 Turbo 16 de Ari Vatanen que vous aviez dans votre chambre d’enfant. Aujourd’hui, sa simplicité fait hésiter l’observateur entre une Kei car à la française et une Mini Cooper qui aurait évolué dans les années 80.
Un « nouveau » charme se dégage de cette génération d’automobiles. Elles n’arborent pas les chromes ostentatoires de leurs prédécesseures et ne sont pas bardées de fausses grilles et des grandes calandres de leurs successeuses (c’est du québécois). Ici tout est fonctionnel, sans prétention.
Dedans, l’habitacle entièrement noir est égayé par une moquette bleu électrique et des sièges enveloppants aux couleurs Peugeot Talbot Sport. Le design du tableau de bord tout en simplicité, est toujours agréable à l’oeil. Par rapport aux versions plus basiques, les portes ont gagné un habillage intégral, mais l’équipement luxe se résume à des phares longue-portée, un vide poche, deux cendriers et un lecteur de cartes…
Big Me
Heureusement, Peugeot s’est concentré sur l’essentiel: le moteur TU de 1360 cc2 développe 98 chevaux à 6800 trs (95 sur les versions catalysées), aidé par un arbre à cames agressif et une injection multipoint. Le châssis a été entièrement repensé avec bras inférieurs, barres anti-roulis et tout le toutim. Ne pesant que 840 kgs, les chiffres traduisent mal la vivacité ressentie au volant (0-100 en 9 secondes et vitesse max de 190 km/h…).
L’habitacle s’avère assez spacieux et la surface vitrée générée par ses lignes basses et tendues donne une visibilité fantastique. Bien assis dans des sièges assez souples, le conducteur est dans une position typique des mini-citadines de l’époque. En hauteur, jambes pliées et bras tendus. Le petit volant et le levier de vitesses tombent alors bien sous la main. À l’exception de la direction, le ressenti des commandes trahit malgré tout la destination utilitaire du modèle de base: les pédales ont la texture d’un pied de nonagénaire et la commande de boite celle d’un balai à chiotte.
Contact. Le bloc compteur indique le niveau d’huile, puis donnera sa température une fois le moteur mis en route, c’est rigolo. S’en suit le bruit de démarreur typique des 106/Ax et un bruit moteur assez sourd sur un ralenti irrégulier.
A l’usage, la suspension se révèle beaucoup plus raide qu’une 106, mais largement moins que la 205 GTI qui était presque insupportable. En termes de ressenti, cela ressemble aux voitures rabaissées des années 90. Enfin, c’est ce que l’on vous a dit.
Avec peu de poids et une boite très, très courte, le caractère du petit moteur est complètement bipolaire: hoquetant et pénible, il devient fou furieux passés les 3500 tours. Une sonorité métallique, proche d’une moto, force alors le train avant à chercher de la motricité.
Les accélérations paraissent instantanées, donnant à la voiture une joie et une vivacité qui font honneur à la tradition des GTI.
Le freinage était plutôt décrié à l’époque. Pourtant il est largement suffisant, d’autant qu’il est peu utilisé grâce à l’efficacité redoutable du châssis.
La direction -non assistée- permet de positionner avec précision un train avant difficile à prendre en défaut. Par bonheur, ce dernier n’a pas hérité du caractère terriblement sous-vireur des versions plus modestes. Derrière, c’est beaucoup plus étonnant. Les roues, ayant peu de débattement, luttent clairement pour suivre l’avant. Sur les virages serrés, elles peuvent même avoir tendance à survirer pour enrouler. Sans jamais devenir incrontrôlable.
Enivrés pas les Foo Fighters, vous retrouvez vos réflexes de jeunesse: Même une XSI peut se conduire comme une Shitbox. Trop vite, un peu en vrac, avec des prises d’appui sèches et des coups de volant frénétiques. Ça chahute, ça dandine, mais supporte tout. Vous vous amusez beaucoup. Rien de répréhensible, juste une petite machine rageuse, incassable et véloce.
Un portrait idéal?
Non. Avec 3,5 tours de butée en butée, la direction n’est pas assez directe. Sur de gros appuis, son système MacPherson n »offre pas la précision d’une bonne vieille triangulation. Enfin, si la boite très courte est agréable sur route, elle est pénible sur autoroute où il faut monter à 4500 trs pour tenir les 130, occasionnant un bruit et un rythme général rapidement lassant.
This is a call
Plaisante à conduire, plutôt fiable et pratique, la petite XSI ne démérite pas face à une voiture plus moderne. Mais qu’est-ce qui peut vous faire choisir cette auto?
Sa côte tout d’abord. En pleine ascension, elle reste relativement abordable: comptez entre 5 et 6000 € pour une version entièrement d’origine en dessous de 200 000 kms. Les 1.6 et séries spéciales Le Mans, plus récentes et mieux équipées, cotent davantage.
Ensuite, il y a le décalage. À l’instar d’une Cooper 1300 ou d’une A112 Abarth, c’est au tour de la petite Peugeot de dénoter dans le paysage automobile quotidien.
Enfin, il y a la nostalgie. La nostalgie des premiers tours de roue, la nostalgie d’une époque où le Grunge passait à la radio.
Avec ses lignes épurées salies par son attirail de sportive, elle feint une décontraction qui s’estompe dès les premiers tours de roues.
La XSI n’est pas encore en poster dans les garages des collectionneurs, mais si elle venait à croiser votre chemin, vous auriez bien du mal à vous en séparer.
- C'est une GTI...
- Enervée mais facile à vivre
- ... C'est une 106
- Reconnaissance à venir
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