Black Rock Desert, Nevada. Le Burning Man
Les gigantesques espaces déserts qui s’étendent au-delà de l’horizon ont toujours eu quelque chose d’absolument fascinant. S’ils avaient eu lieu sur des anneaux de vitesse ou sur des circuits ouverts, les Speed Trials de Bonneville (lien ici) ou du Lac Gairdner, dans leur déclinaison australienne, auraient été au mieux des évènements anecdotiques réservés à quelques vieux nababs, m’as-tu-vu italiens et autres adolescents attardés venus tout droit de leur Qatar natal.
Dans le cas du Burning Man Festival, il n’est pas surréaliste de dire que c’est le désert lui-même qui choisit ses hôtes.
Flashback en 1986 à San Francisco. Larry Harvey organise sur la plage de Baker Beach un rassemblement d’une trentaine de personnes à l’issue duquel un grand mannequin humanoïde se voit dévoré et désintégré par le feu (le Burning Man, donc). Ceci deviendrait l’acte de naissance de l’un des festivals les plus impressionnant et hallucinogène à n’avoir jamais existé.
Relocalisé depuis 1991 dans le désert du Nevada puis sur une playa privée baptisée Hualapai, le Burning Man festival attire maintenant quelques 50000 participants chaque année entre août et septembre, pour une dizaine de jours situés quelque part entre onirisme absolu et créations artistiques grandioses. Ainsi, le Black Rock Desert devient Black Rock City, ville éphémère, païenne et utopique, qui vue du ciel pourrait ressembler à un “crop circle” laissé par un OVNI.
Décrire avec de simples mots à quoi ressemble le Burning Man est difficile tant les apparitions que l’on croise au beau milieu de la ville sont frappantes.
Des quatre coins de l’Etat et parfois du pays, voire du monde tout entier, les participants (ou Burners) se rejoignent dans ce lieu lunaire avec des spirales lumineuses tressées dans les cheveux ou des auréoles d’artifices au dessus de la tête, vêtus de costumes baroques, steampunk, art-déco ou burlesques. Conduisant des véhicules mutants bizarres dont certains semblent sortis tout droit d’une version alternative de Mad Max, d’autres d’Alice au Pays des Merveilles, alors que d’autres encore seraient presque trop outranciers pour avoir leur place dans les films les plus barrés de Terry Gilliam. Puis apparaissent les camions grue qui pendant quelques heures, voire plusieurs jours, vont assembler les sculptures les plus improbables, les plus fantastiques, abordant toutes sortes de thèmes et d’inspirations. Le somptueux “Temple de l’Honneur” du mondialement connu David Best côtoie des créations d’une trentaine de mètres de haut comme la Cathédrale Connexe ou la Babylone Artistique, ou d’autres qui déploient un malaise ténébreux digne des oeuvres de Beksinski, alors que partout à travers la ville fleurissent structures magnifiques aux dimensions incroyables. Le thème central du feu, et par corollaire celui de la lumière, est exploité dès que la nuit tombe de manière sidérante, où chaque forme croisée dans la journée revêt alors un aspect transfiguré et absolument grandiose.
Le Burning Man est un festival quasi sensoriel dans lequel s’entrecroisent toutes sortes de courants de pensée. Le but serait celui de la réalisation individuelle à travers l’expression artistique personnelle, le partage, l’échange et la recherche de ce qui est inepte et absurde aux yeux de la société contemporaine et commerciale. Performances musicales, théâtre de rue, défilés de cerfs-volants et artistes professionnels aidés nuit et jour par des amateurs sont autant de façons de susciter l’interaction de toute la communauté.
Au fil des années, les organisateurs ont listé une série de dix règles plus ou moins tacites régissant l’esprit du Burning Man telles que l’inclusion universelle (chacun est le bienvenu tant qu’il respecte la communauté), le principe de cadeau (aussi bien dans le sens que toute œuvre est un don à la communauté et qu’il n’y a rien à attendre en retour, que dans celui où le système de troc est très largement encouragé), l’expression de soi, l’effort en commun (les burners ne sont pas des touristes et leur participation active est désirée), la responsabilité civique, la culture du moment présent, ainsi que l’affranchissement de la culture commerciale (aucune pub, aucun sponsoring ni parrainage afin d’éviter que l’évènement ne devienne gangrené par le système de consommation). Et au final, la règle la plus évidente : pour clore le festival, we burn the man.
Evidemment, il serait un peu candide de voir le Burning Man comme un évènement parfait aussi bien dans la transcription de son esprit que dans son propre déroulement. Ainsi, chaque année, l’Office Fédéral d’occupation des sols procède à quelques centaines d’interpellations et, à moindre mesure, à plusieurs arrestations et mises en détention pour conduite dangereuse, consommation de drogue et délits de la sorte. On recense également une dizaine de décès depuis 1991, la plupart dus aux véhicules mutants entrés en collision avec les burners. Quant à la dixième règle du festival, à savoir ne laisser aucune trace après la fin des événements, elle est de plus en plus bafouée année après année, la faute à un nombre de burners de plus en plus important allant de concert avec celui des déchets encombrant la playa après leur départ.
Cela étant dit, il faudrait être complètement insensible ou d’une étroitesse d’esprit magistrale pour ne pas admettre que le Burning Man Festival est à la fois beau et fascinant. Pour paraphraser un ami blogueur, des choses littéralement extraordinaires peuvent avoir lieu lorsqu’on offre un système avec un concept central suffisamment structuré et rigide pour lui donner une véritable définition, et en même temps assez de flexibilité pour que chaque individu ait la liberté d’apporter sa propre vision à ce concept.
Le Burning Man a réussi à donner vie à une réalité à mi-chemin entre le burlesque parodique et quelque chose d’extrêmement plus puissant tant du point de vue purement idéologique qu’artistique. Les visions et les personnes que l’on y croise n’appartiennent qu’à lui, et son univers rempli de rêve et de ce que l’art a de plus beau et d’introspectif à nous offrir nous renvoie au désir des Burners et de beaucoup d’autres : détruire le banal et la misère émotionnelle, à grand coups d’imaginaire et d’outrance.
Et de cela auraient beaucoup à apprendre nos villes grises, moribondes, et remplies de merdes estampillées Apple sous prétexte de définir nos identités.
Si l’aventure vous tente, voici le site du burning man
Dans la série des “Lieux Exceptionnels” :
Dans la série des “Lieux Exceptionnels” :
Le Boneyard Project
Burning Man Festival 2013
Si vous souhaitez vous rendre au prochain Burning Man, sachez qu’il y a un « ticket d’entrée » à régler qui couvre l’ensemble des dix jours. En faisant une moyenne depuis les 5 dernières années, vous ne devriez pas le payer plus de 150-180 euros. Les principes d’indépendance & d’interdépendance demandent que vous emportiez de quoi subvenir à vos propres besoins ou de faire du troc avec le reste des burners (aliments échangés contre services rendus dans le montage d’une oeuvre ou de la participation à une pièce par exemple). Il existe néanmoins quelques points auquel vous pourrez acheter des boissons et de la bouffe même si c’est un peu s’éloigner de l’esprit du festival. Enfin, vous pourrez prendre une navette « officielle » pour vous rendre dans la ville la plus proche.
Le Burning Man n’est pas sponsorisé, ce qui ne veut pas nécessairement dire que certains artistes ne le sont pas, alors que d’autres utilisent leurs propres fonds pour leurs oeuvres, que ce soient sculptures, véhicules ou costumes.
Les préparatifs « logistiques » se font à San Francisco, et les oeuvres les plus colossales commencent à être montées environ trois à quatre semaines avant le début officiel du festival.
C’est vraiment TRÈS impressionnant.. Je n’aurais jamais cru qu’on puisse réunir autant de monde et d’oeuvres si grandes en plein désert.
Mais qui paye les artistes, les voitures et tout ça? Et si moi je veux aller au BM festival a part le voyage, je devrai payer combien et quoi ?
Merci