« Italian bodyword at his best, British tradition in sports car engineering at its finest. »
On peut aimer beaucoup de choses sur la TR3: Roadster échancré, spartiate, elle était dans les années 50 une des sportives proposant un rapport performances/prix exceptionnel. Mais qu’en est-il des clients qui recherchaient un minimum de confort?
C’est approximativement avec ce discours que Salvator Ruffino, alors importateur Triumph en Italie, se rend dans les bureaux du constructeur à Coventry. La négociation est aisée: Le groupe Standard Triumph est mal en point. La marque accepte de distribuer le futur coupé dans son réseau et verbalement (il faut toujours se méfier des accords verbaux lorsque l’on décide de fabriquer une voiture…) s’engage à faire acheter un coupé à chacun de ses 720 distributeurs. En échange, Ruffino doit s’engager sur l’achat de 1 000 châssis de TR3…
Un appel d’offres auprès des grands carrossiers italiens s’en suit. Zagatto, Touring… Aucun ne propose d’étude cohérente. C’est une rencontre avec Giovanni Michelotti qui apporte une solution: Fort de fructueuses collaboration chez Farina, Vignale et Allemano (Ferrari 166 Inter, MM Maserati A6G/54, 3500GT), Michelotti est en train de monter son propre établissement et recherche de nouveaux clients. Par ses précédentes coopérations il met en avant ses bons contacts chez de nombreux façonniers aptes à produire l’auto.
Appâté par l’enjeu industriel d’une production en série, il signe sur le rustique châssis Triumph une ligne toute en finesse. Chromes minimalistes, flancs tendus, montants de toit fins, phares sous bulle… Vignale assemble en vitesse une carrosserie qui sera soumise au public du salon de Turin 1958.
En dépit d’un accueil chaleureux, les premiers essais routiers mettent en exergue une aérodynamique catastrophique. Michelotti revoit son dessin: Calandre droite, custode plus inclinée, flancs échancrés… Le coupé gagne en élégance ce qu’il perd en originalité. Le prototype initial, châssis N°1, est mis au goût du jour et expédié en test chez Triumph. Ruffino fait fabriquer deux prototypes supplémentaires: le numéro deux sera pour son usage, le numéro trois est présenté à Turin en 1959, sur le stand Triumph.
Contre toute attente, la presse est conquise: La ligne sobre et racée du coupé trouve écho à l’intérieur avec une sellerie en vinyle soignée et un tableau de bord richement doté.
Lors de son essai, l’Automobile Magazine dépasse les 180 km/h et parcourt le 1000m départ arrêté en 35,6 secondes. A la conduite, la tenue de route de l’Italia apparaît sans reproche: Assemblés chez Triumph, les châssis d’Italia reçoivent des ressorts à sept lames et une barre antiroulis spécifiques qui lui confèrent une maniabilité proche du roadster, avec moins de roulis.
Après dix exemplaires produits à la main dans les ateliers de Vignale, Ruffino lance la production en série sur une chaîne louée au carrossier. La Triumph 2000 est renommée Triumph Italia 2000.
Hélas, le ciel va rapidement s’obscurcir sur Ruffino: Avec les coûts d’importation, le prix de l’Italia est presque multiplié par deux sur le marché américain. L’Eldorado sur lequel a misé l’italien n’est pas si accessible… Il va se concentrer essentiellement sur l’Europe. Les Italia y sont bien meilleur marché et s’écoulent correctement. Toutefois, Triumph ne tient pas ses promesses: La marque anglaise commence par omettre d’apporter les modifications « Italia » aux châssis livrés à Vignale. Salvator entame des poursuites judiciaires à l’encontre de son principal fournisseur…
Au début de l’année 1961, tandis que presque 250 Italia ont trouvé preneur, la groupe Standard Triumph fusionne avec la Leyland Motor. Le nouveau directoire décide de développer rapidement la nouvelle TR4 pour relancer les ventes de la marque. C’est… Michelotti qui va signer son dessin! Largement inspirée du coupé de Ruffino, la Leyland stoppe la distribution de l’Italia pour ne pas la mettre en concurrence avec la toute nouvelle TR4.
La société Ruffino Spa. se chargera de distribuer les quelques exemplaires restants construits sur les châssis en sa possession. La voiture est renommée « Italia 2000 » mais la marque Triumph reste utilisée dans les publicités. A la fin de l’année 1962, le projet Italia prend fin. Selon les sources, entre 297 et 329 autos seront sorties des chaînes de Vignale.
Aujourd’hui, il est difficile de chiffrer le nombre d’autos encore en circulation. Rare, exclusive, la côte de l’Italia 2000 oscille entre 85 et 130 000€. Les modèles les plus recherchés sont les 13 exemplaires de présérie. Lors d’un simple contrôle technique, il vous est possible de les identifier:
– « By G. Michelotti » est marqué sur le capot
– La calandre présente un grand V pour Vignale, relayé par des emblèmes « Vignale » sur les ailes avant et la poignée de coffre.
– Deux drapeaux croisés portant un V et un S sont disposés sur les ailles arrières.
– Enfin, au-dessus de la poignée de coffre, une barrette chromée rappelle que l’auto est une Triumph 2000.
SCD Motor / Italia 2000
J’ai vu une Italia à Rétromobile cette année : une merveille de finesse et d’élégance !