Rares sont ceux qui se rappellent comment et quand tout cela a commencé. Pourtant, avant que quiconque ne puisse réagir, elle était là. Avec ses racines chétives pourtant fermement ancrées : en un rien de temps, la médiocrité avait tout contaminé et elle s’abattait méthodiquement avec la rage d’une bête courroucée sur chaque centimètre carré de notre monde. séries
Les terribles représentants de cette hideuse médiocrité font trembler tous ceux qui ne voient pas en Bigard un humoriste génial mais juste un rustre d’une vulgarité ridicule qui est devenu millionnaire en entassant des quantité incroyables d’ahuris dans ses spectacles. Ceux qui ont des sueurs froides en effleurant du regard ces programmes exposant une hystérique et un imbécile censés représenter le couple français moyen (Un gars, une fille), ou cet autre programme rassemblant des balourds usant d’un humour tellement cliché qu’on voit arriver les blagues avant même d’avoir allumé la télé et qui, au nom de la culture française, ont réussi à dépasser les audiences des JT (Scènes de ménage).
Que dire alors de cette prolifération d’individus inutiles se vautrant devant les caméras, que dire de cette téléréalité et de ces émissions que des abrutis de chroniqueurs qualifient de magazines d’information sous couvert des délires exhibitionnistes d’un coté, et voyeuristes de l’autre ?
Que dire enfin de toute cette faune fictionnelle, de toute ces séries vaseuses et vides qui pourtant explosent les scores d’audience ? Faudrait-il considérer qu’aujourd’hui le public n’a plus rien dans la tête et qu’il trouve son plaisir à s’avachir dans un fauteuil pour regarder des produits recyclés qui depuis dix ans ne changent rien à leur fond et qui se contentent de vaguement actualiser la forme en remplaçant les vieux acteurs par d’autres plus jeunes ? Faudrait-il voir ici l’ultime aveu d’impuissance face à notre culture, jadis si brillante, qui s’étiole et se nivelle par le bas un peu plus chaque jour ? A une époque où une merde comme “Les kaïras” est qualifié par certains critiques de “film français de l’année” on se retrouve forcément avec l’impression d’être un peu seul au milieu du “paysage culturel”.
Et bien certains refusent cette fatalité et font sciemment le choix de se tourner vers des œuvres qui stimulent les synapses et les glandes sudoripares. Certains ont envie de vibrer, de réfléchir, d’avoir peur, de ressentir des dilemmes, et plus simplement de quitter leur fauteuil avec tellement d’émotions que la seule phrase que leur chuchote leur cerveau est : putain, c’était extraordinaire.
Si vous voulez vous faire du bien tout en faisant du mal à ceux qui pensent que Les Experts est la chose la plus noble et intelligente à avoir jamais touché nos écrans, c’est ici (et la liste n’est pas exhaustive).
Quelques spoilers dévoilant les très, très grandes lignes des intrigues sont présents dans cet article.
Luther.
Luther.
LUTHER
Luther.
luther
luther
Lorsqu’on vous reproche d’utiliser à tort et à travers le mot “exceptionnel” alors que vous décrivez quelque chose que vous aimez, vous finissez systématiquement par vous demander si vous n’en faites pas trop dans le registre du grandiose. Néanmoins, se retrouver face à une œuvre comme Luther et ne pas utiliser le mot “exceptionnel” relève juste de l’impossible. Certains épicuriens imbibés de Guinness proféreraient sans doute un “si c’est exceptionnel, ça doit être anglais”… Et pour le coup, il est indéniable que la BBC a réalisé l’une des œuvres les plus denses et techniquement maîtrisée de ces dernières années. Du générique d’ouverture rougeâtre sur fond de silhouettes noires et de Massive Attack, au credits roll entrecoupé par des extraits de l’épisode suivant judicieusement choisis, la série plonge le spectateur dans une ambiance oscillant entre l’anonymat et la froideur écrasante et nauséeuse de la ville de Londres, et une étrange sensation rassurante lorsqu’on est en compagnie des protagonistes, ces flics anglais qui ne portent pas d’armes à feu.
La froideur de cette ville se traduit par son climat toujours chargé et par la violence révoltante, mais néanmoins jamais exagérément graphique, dont sont victimes les anonymes pour lesquels on éprouve une empathie à mille lieux des séries américaines. Les scènes de crime sont filmées simplement, avec sobriété, parfois en hors-champ, et c’est bien la vulnérabilité absolue et terrorisante des victimes, opposées à la froideur ignoble des criminels qui choque instantanément et n’arrive à suggérer rien d’autre que de la haine pour ces derniers. En cela les mécaniques de la série pour arriver en là sont justes parfaites.
Luther est aux antipodes des productions US qui usent de moyens artificiels pour créer une ambiance lourde et glauque. Je pense ici à la quantité surnaturelle de tous les produits puant estampillés “Dick Wolf Productions”, Les Dragnet et Law & Order, leurs intrigues débiles, démagos et exagérément noircies ; leurs protagonistes ridiculement inintéressants sur le plan humain, archi-caricaturaux et ne possédant pas la moindre épaisseur (comparez Chris Meloni dans Oz et dans Unité Spéciale pour vous rendre compte du point auquel l’acteur est frustré dans son jeu), sans parler de cette musique quasi-perpétuelle de violon synthétique vous donnant l’envie de gober une pleine boite de Deroxat même après une charmante journée pleine de joie. Luther balaie toutes ces séries de rentiers sans âmes installés dans un confort malsain depuis des années, et s’affranchit de tout discours moralisateur facile et fatalement merdique propre à une trop grande partie des soporifiques séries US.
John Luther est un inspecteur qui approche de la cinquantaine. Il est philosophe, posé, fan de Bowie, et suite à la débandade de son mariage, il vit dans des appartements à la froideur inquiétante qui côtoie parfois le misérable ou le malsain. Sa première affaire après des mois sur la touche le met face à Alice Morgan, dont les parents ont été assassinés. Et si Luther est un génie dans son domaine, Alice est un génie d’un tout autre genre. Ainsi, la relation trouble traitée à contre-pied avec une maturité exquise entre ces deux personnages diamétralement opposés et pourtant âmes sœurs est juste savoureuse. L’actrice Ruth Wilson, son jeu piquant et son visage mystérieux et inoubliable apportent une intensité douce et mortelle à Alice Morgan, tandis qu’Idris Elba et sa carrure imposante incarne ce flic taciturne et indécryptable avec une classe et une profondeur tout simplement exceptionnelles (encore un fois, VF interdite !). Elba délivre un personnage marchant dans les traces de Philip Marlowe ou de l’inspecteur Rebus : un anti-héro sombre à la morale corrompue -du point de vue de la loi- ne s’interdisant aucun chantage, mensonges, manipulation de preuves, ou extorsion. Mais Luther n’est pas un flic pourri, il est un homme acculé dans sa quête de faire ce qui est juste, en contraste avec ce qui est légal. Il ne s’agit pas de la fin qui justifierait les moyens, mais plutôt d’évoluer dans un monde tout en nuances de gris, avec un système judiciaire hypocrite aux valeurs dépassées. La complexité de Luther, les foules de nuances dans son jeu d’un naturel et d’une spontanéité évidente, ses quelques excès de rage, font de lui un personnage ni plus ni moins que magnétique, qui emporte immédiatement le coeur d’un spectateur cloîtré dans son obsession vindicative envers les tueurs, approuvant chaque ligne franchie, chaque code moral rompu, chaque excès. Alors certes, ce n’est pas la première fois qu’une série met en scène un flic aux méthodes condamnables, The Shield a basé toute son histoire sur des personnages similaires. Mais là ou un Vic Mackey donnait parfois l’impression d’être touché par la Grâce Divine tellement ses coups de poker étaient basés sur un nombre de variables affolantes, Luther, malgré son caractère en acier, se retrouve souvent en position de vulnérabilité et sans personne pour le soutenir, nous renvoyant à cette impression qu’il ne maîtrise en fait que bien peu de choses.
La saison 1 de 6 épisodes de 58 minutes chacun possède comme toile de fond la relation entre Luther et son ex-femme (Indira Varma, vue et appréciée à sa juste valeur dans Rome), dont les fondements classiques se retrouvent vite bousculés par l’omniprésence d’Alice Morgan et par le destin maudit du détective, pour mener à un final sur deux épisodes qui pousse les paradoxes et les alliances entre le bien et le mal jusqu’à leur paroxysme.
La deuxième saison ne compte que 4 épisodes basés sur deux cycles. Sous la protection de Martin Schenck -flic désabusé aussi subtil et discret qu’impressionnant-, et la présence vaporeuse d’Alice (qui laisse parfois suggérer qu’elle n’existerait pas ailleurs que dans l’esprit du héros), Luther affronte l’un après l’autre deux tueurs, le premier obsédé par l’idée de devenir une légende planant comme une menace tangible sur chaque habitant de Londres, le second ayant poussé l’aspect tragi-comique de notre société jusqu’à devenir une sorte d’abstraction, massacrant des anonymes à coup de marteau et d’acide sur un jet de dés; et il faut reconnaître qu’aussi détestable qu’il soit, Steven Robertson est juste parfait dans son rôle de malade sociopathe se définissant comme un joueur de RPG censé engranger des points en tuant les NPC suivant la manière la plus audacieuse. C’est dans ces deux derniers épisodes que la dimension de vulnérabilité totale des habitants de Londres est bien la plus effrayante, et c’est dans le même temps à travers ces deux mêmes épisodes que Luther va entamer sa quête de rédemption, via le personnage de Jenny Jones, adolescente paumée ayant un certain passé en commun avec le héros, et sauvée par ce dernier de sa vie misérable d’actrice de necroporn. Jenny est aussi abîmée que Luther, et à cents lieux du rôle de muse endossée par Alice Morgan, elle finit par devenir sa protégée et par le coller un peu plus dos au mur, jusqu’à un final en deux temps tout simplement mémorable qui vous obligera à le lâcher, ce “putain, c’était extraordinaire.”
Luther est une série à la fois complètement enragée et pourtant ponctuée d’une douceur touchante, une série qui distille intimité et froideur extrême. Un casting absolument parfait, des bad guys aux alliés du détective (comment oublier de citer la justesse de Ian Reed et Mark North), une réalisation parfaite jusque dans le moindre effet artistique, et un scénario faisant cohabiter anti, voire contre-héros, antagonistes, et simples personnes anonymes en quête d’un vengeur, ou dans le cas de Jenny, d’un sauveur.
Une série unique, imposante, tentaculaire, mémorable. Si vous lisez ceci en quête de quelque chose d’exceptionnel et que vous ne la regardez pas, autant arrêter les séries, vous n’avez rien compris.
justified
justified
Justified.
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Après avoir ridiculisé par son charisme naturel ce pauvre Bruce Willis dans Die Hard 4 (qui ne sait plus jouer que grâce à deux expressions faciales mais qui continue néanmoins à enfiler les films moyens pour se faire ses 10 millions par an) et incarné Seth Bullock dans l’excellent Deadwood, Timothy Olyphant prend les rênes d’une nouvelle création FX, chaîne pas franchement avare en très belles réussites prenant à rebours pas mal de codes établis.
Inspirée par l’écrivain Elmore Leonard, Justified fut décrite à sa sortie comme un habile mélange entre western et polar urbain. Stetson Silverbelly, jean et bottes de cowboy, veste de costard cintrée et habilité surnaturelle au tir, le Marshall des Etats-Unis Raylan Givens (Olyphant, donc), fraîchement transféré dans son Kentucky natal détonne sans difficulté lorsqu’il arrive dans le Comté toujours ensoleillé de Harlan, peuplé de rednecks ou de “ploucs” dès qu’on s’éloigne du centre-ville et qui, eux, sont plus ou moins rustres, vivent dans des maisons en bois, s’habillent de chemises de bûcheron, boivent dans des vieux bocaux et ont pour la plupart des affiliations à une activité illégale. La série met quelques épisodes à trouver son rythme, mais une fois celui-ci définitivement installé, on se laisse happer par le climat étrange qui règne à Harlan, où les justiciers et les criminels se croisent et se fréquentent sur une base quotidienne et ont parfois un très lourd passé en commun, état de fait qui brise les conventions de toutes les séries mainstream dans lesquelles gentils et méchants appartiennent à deux univers opposés. Ici, Givens lui-même finit par s’interroger sur sa vocation de Marshall alors que tout lui porte à croire qu’il aurait peut être été plus logique de devenir gangster.
Antagoniste de Givens dans la première saison, le personnage de Boyd Crowder (incarné par le génial Walton Goggins, qui provoquait des mélis-mélos d’amour et de haine dans le cœur du spectateur de The Shield) pourrait être vu à lui seul comme la pierre angulaire du scénario. Au-delà des problèmes sentimentaux et professionnels du Marshall coincé entre son ex-femme (la magnifique Natalie Zea), son ex-copine, son père briscard et vendu, et son chef voulant se débarrasser de lui, c’est bien la relation bizarre entre un Givens braqué et un Crowder en quête d’une rédemption chimérique qui fascine. Et à ce jeu, Goggins en impose plus qu’Olyphant, ce qui fait que le spectateur se retrouve dans le même paradoxe qu’avec un Dexter Morgan, un Vic Mackey ou dans une autre mesure un Jim Profit : il est envoûté par un personnage décrit comme négatif mais qui au final devient une sorte d’anti-héro insaisissable plus ami qu’ennemi, qu’on ne veut voir ni disparaître ni échouer. En cela, le final de la saison est jouissif dans son traitement et dans la façon dont il porte à conclusion le “cycle Crowder” en opposant Boyd à son père, personnage puissant et charismatique portant son ombre sur toute l’histoire.
Ainsi, ce qui est frappant dans la seconde saison est la constance de Walton Goggins dans son jeu désespéré, sa classe étrange semblant venir d’un autre siècle, son vocabulaire travaillé et sa diction posée, alors que Tim Olyphant réalise lui une incroyable montée en puissance dans sa manière de faire vivre son personnage. On découvre alors un Raylan Givens d’un flegme et d’une espièglerie désemparant, brillamment soutenu, au même titre que le reste du casting, par des dialogues ou des répliques parfois extraordinaires (à ce sujet, VF formellement INTERDITE sans quoi on passe à coté non seulement des dialogues originaux mais aussi de toutes les nuances d’accents et des jeux sur la voix). La série continue à faire cohabiter gentils et méchants tout en opposant cette fois le clan Givens au clan Bennett, ennemis depuis des générations, alors que Crowder devient une sorte d’arbitre partial et ange gardien, abandonnant finalement ses espoirs pour emprunter le seul chemin qui lui était tracé. Les cadrages de séquences sombres, la spontanéité agressive avec laquelle sont amenées les courtes scènes d’action, les dialogues échangés en voiture ou avec le Marshall Tim Gutterson, les scènes se déroulant dans le sanctuaire de Givens, une minuscule chambre de motel à deux pas de l’autoroute, cette sorte d’alchimie peu banale à double tranchant entre les personnages tous amis ou ennemis d’enfance, et le simple fait que le héros se prenne des raclées monumentales confère à la saison 2 une envergure qui renouvelle sans cesse l’intérêt du spectateur pour ce Comté de Harlan à la limite parfois du fantastique.
Une excellente série, que l’on aurait parfois peut être souhaitée un brin plus sombre, mais qui présente une galerie de personnages troubles et paradoxalement attachants, et un acteur principal dont l’évolution au cours des (au moins) 2 saisons suivantes a toutes les chances d’être particulièrement troublante. Au-delà du fantastique Walton Goggins, l’actrice de 14 ans Kaitlyn Dever livre une prestation magnifique et terriblement mature, au même titre que Jeremy Davies ou Margo Martindale, tout simplement fabuleuse dans son rôle de femme vieillissante, sorte de chef de gang désabusée pour laquelle on finit par ressentir une curieuse tendresse lors du dernier épisode qui culmine dans son final calme, dramatique et libérateur, lui-même précédé par quelques scènes anxiogènes beaucoup plus tendues, qui témoignent de l’intelligence des scénaristes, et de la capacité de tout le casting à se mettre en symphonie pour aboutir à un résultat touchant, mémorable, et par-dessus tout, original.
the walking dead
the walking dead
The Walking Dead.
Une facile pour finir, si vous n’y êtes pas déjà converti.
Je pense faire partie de la génération qui a vu naître cet engouement irrépressible pour les zombies. Tout a peut être démarré avec le premier Resident Evil sur PSX, puis a perduré avec ses suites et ses adaptations cinématographiques toutes plus ridicules les unes que les autres. Romero est redevenu à la mode, les reboot et déclinaisons des thèmes de zombies se sont multipliés, Max Brooks a apporté sa pierre à l’édifice, et ainsi de suite. Et depuis 2003, Robert Kirkman et son équipe font vibrer le monde des graphic novels avec The Walking Dead, suivant l’histoire des survivants à l’apocalypse Z.
Il suffit de lancer une recherche pour tomber en deux clics sur des hordes de forums déchaînés énumérant les incohérences et trahisons faites à l’œuvre originale, aussi, inutile de s’attarder sur ce point en particulier. La série nous propose de suivre dans un premier temps le shérif adjoint Rick Grimes à la recherche de sa famille, puis dans un deuxième, tout un groupe de survivants hétéroclites et unis par la force des choses, catapultés dans un monde dévasté et repeuplé par les zombies. Les personnages les plus marquants du casting étant, bien évidemment, Rick, sa femme Lori (incarnée par une Sarah Wayne Callies absolument épouvantable avec sa mèche folle et son jeu qui se limite à écarquiller les yeux), son gosse Carl, et l’ancien partenaire de Rick, Shane, composé avec une belle intensité de plus en plus maîtrisée au fil du temps par John Bernthal. Hors “famille”, on trouvera Glenn, sorte de runner coréen au grand cœur qui se voit confier des missions plus dangereuses les une que les autres, Dale le vieux roublard ayant fui l’épidémie à bord de son camping-car et ayant ramassé sur sa route deux sœurs, Amy et Andrea (la formidable et toujours juste Laurie Holden), et enfin, le personnage le plus haï de la première saison car étant le seul à être absolument étranger à la BD, Daryl (sous les traits de Norman Reedus, le génial et trop rare Boondock Saint) sorte de redneck, chasseur, traqueur et virtuose de l’arbalète, contaminé par l’esprit dérangé de son frère (Michael Rooker, dont le destin renvoie directement à l’une des scènes les plus traumatisantes de la BD).
La première saison suit un schéma classique de fuite en avant propre au genre du post apocalyptique, avec les individualités de certains personnages qui prennent le dessus sur le reste du groupe. A peine débarqué, Rick se retrouve intronisé ”leader”, reléguant Shane dans le rôle du mec qui prend les bonnes décisions pour survivre, mais qui éclipse du coup tout sentiment. Le statut de “saison test” (comprendre, la série a-t-elle un potentiel commercial ?) est malheureusement parfois trop présent : les 6 épisodes défilent vite, parfois trop vite, et les choix scénaristiques de l’épisode 4 opposant Rick, Daryl et Glenn à un gang de mexicains caricaturaux n’apportent rien à l’ensemble, si ce n’est d’humaniser un brin Norman Reedus et de scinder artificiellement le groupe pour des raisons de scénario. Il est également regrettable que cette forme d’empressement à conclure la saison passe à la trappe des plans que l’on aurait souhaité plus contemplatifs et silencieux, mettant simplement en scène les paysages grandioses et effrayant d’un monde dévasté.
Mais malgré ces quelques griefs, les 6 épisodes délivrent également des moments particulièrement intenses. La première rencontre de Rick avec un groupe de walkers à Atlanta, la discussion entre Andrea et sa sœur sur un petit bateau de pêche, l’attaque principale dont le groupe est victime et sa terrible conséquence pour l’un des rôles principaux, les tensions créées par Shane qui augurent du pire, ou encore le départ de Jim, particulièrement éprouvant pour peu que l’on soit capable d’empathie, sont autant d’éléments donnant une véritable assise à l’œuvre, même s’il reste assez rare que l’on sente le casting principal menacé, par opposition avec les rôles moindres, eux véritable chair à canon. Dans son ultime épisode, la série fait le choix judicieux de s’affranchir de toute explication quant au pourquoi ou au comment en opposant aux survivants acculés et épuisés le personnage d’Edwyn Jenner, docteur en épidémiologie et dernière âme à peupler un gigantesque centre de recherche. L’arrivée des morts-vivants est-elle due à une pandémie, à une attaque bactériologique, ou à un châtiment Divin, comme le suggère un membre du groupe ? “C’est envisageable” répond le scientifique, qui finira par offrir une alternative extrême à la vie dans un monde devenu un enfer, et qui sonnera comme la conclusion définitive à la saison : le monde entier a été touché, et plus personne n’est à l’abri.
Le second chapitre démarre sur un épisode d’une heure, traversé par un climat juste extraordinaire. Coincé sur une voie rapide entre les épaves de centaines de voitures, abattu par le soleil et entouré de forêt et de chants de cigales, le groupe se retrouve dans un statu quo, à mille lieux de quelque destination. Nouveau cadre, nouvelles motivations, nouvelles attitudes, tout cela canalisé par la rencontre suite à un coup du sort avec Hershel Greene et sa famille, vivant dans une grande ferme retirée aux allures de paradis épargné par la malédiction, cadre parfait pour la construction de tensions, de relations romantiques sans niaiserie et de la montée en puissance de certains personnages tels que Daryl (dont la quête enragée et à la limite du suicidaire pour un membre du groupe porté disparu force le respect et l’admiration, et amène immanquablement à prendre du recul afin de reconsidérer ce protagoniste quant à sa véritable personnalité et à son importance dans la série) ou Lori, avec une Sarah Wayne qui parvient enfin à donner force et caractère à son avatar, à mille lieux de sa prestation de la saison 1. Outre une galerie de nouveaux arrivants à la tête de laquelle se place Hershel et l’une de ses filles, Maggie (Lauren Cohan, aussi impeccable que dotée d’un charme rageur), c’est sur cette terrible impression de fragilité et de vulnérabilité constante, sublimée par le caractère posé du rythme de l’histoire, que les 13 épisodes sont bâtis entre l’omniprésence parfois fantomatique des walkers, l’intense relation entre un Rick parfois complètement dépassée et Shane, personnage extrême aussi détestable que séduisant, l’obstination d’Hershel dans sa façon de considérer les morts-vivants (qui mène crescendo à une scène des plus dramatiques), et surtout l’apparition d’un des principaux thèmes de la BD : ce sont les autres êtres humains qui sont les plus dangereux pour les survivants.
Faisant monter une pression sans faille, la série clos ainsi son deuxième chapitre dans un final aussi gigantesque qu’apocalyptique, soutenu par une réalisation, quelques filtres discrets et certains plans fixes exceptionnels qui emportent le spectateur dans un maelström d’émotions allant de l’épuisement à la colère, en passant par la plus simple tristesse et la résignation.
Un mot pour finir sur la VF récemment découverte avec horreur grâce à TF6… Elle est…juste…pou-rrie. Passons sur les trois ou quatre voix pas mal adaptées. Celle de Jim est bien trouvée, celle de Jenner colle assez bien, etc. Mais alors, Shane s’est vu alourdi et balourdi par une voix de merdeux nasillard et rustre (de mémoire, je crois que Jeremy Renner a une voix française similaire) qui transforme son trait de caractère militaire bourru en plein conflit intérieur en… En rien, en fait. Si ce n’est en merdeux nasillard et rustre. Deuxièmement, l’une de mes funestes prédictions s’est avérée : j’étais certain que Norman Reedus échouerait avec la voix française de Sean Penn, et bingo ! J’avais raison ! C’est bien simple, en France dès qu’il faut doubler un looser charismatique/un mec crasse et viril/un mec crasse et tourmenté, ce dernier se retrouvera forcément avec la voix de Sean Penn. Et déjà que celle-ci ne sied à aucun moment à ce dernier, inutile de dire que du coup, son doubleur ayant de plus tendance à surjouer dans le registre “zonard” ou ”racaille”, Daryl (littéralement parfait en VO) devient la caricature du beauf redneck impulsif et sans cerveau. Mais la palme…La palme revient à Carl, qui lui, reçoit la voix d’un doubleur de dessin animé connu pour sa prestation de Tony Tony Chopper, le rêne parlant du manga One Piece !!! Une voix nasillarde, exagérément suraiguë, et juste ridicule. A la limite, Carl ne parle pas trop dans la saison une, mais dans la suivante, où ses liens avec sa famille et son appréhension du monde prennent une toute autre importance, je connais certaines oreilles qui vont jaser. A ce jeu de doublage débile, le jeune Jake de la série Mon Oncle Charlie, était autrement plus crédible avec la voix française de Sangohan, du manga Dragon Ball Z. A croire que le mec (ou plutôt la fille, puisque c’est d’une fille qu’il s’agit) qui double Carl n’avait jamais doublé un humain auparavant.
Beau succès commercial, la série est renouvelée pour une saison 3 diffusée en automne aux US, et elle devrait (si on se réfère à la BD et aux infos glanées au Comic Con.) gravir une marche de plus dans l’intensité et dans la ridicule folie propre aux hommes, et nous permettre de déverser toute notre crainte devant des héros dépassés, malmenés, et susceptibles de disparaître sur un simple coup du destin, piégés dans cet univers cauchemardesque et pourtant si fascinant.
A suivre …
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